Chocolat – 2ème partie : Du cacao au chocolat

Le premier vase ayant contenu
une boisson au cacao

Il fallut quelques siècles, et de l’invention, pour que les cabosses de cacao deviennent boisson rituelle, puis médicinale, et enfin source d’agrément. 

De récentes découvertes archéologiques l’ont démontré : quelque part entre 1400 et 1100 avant notre ère, les habitants de l’actuel Honduras (les premiers Mayas, ou les Olmèques) eurent l’idée de récolter le contenu des cabosses de cacao pour en faire une boisson ; mais curieusement, c’est d’abord sur le mucilage, cette gangue gélatineuse entourant les fèves, qu’ils jetèrent leur dévolu. Le breuvage fermenté (5°) qu’ils en obtinrent ne devait pas être fameux, à moins qu’il n’ait servi de laxatif ou de lotion capillaire.
A partir de 1000 avant J.C., la fève elle-même prend une importance rituelle et économique dans toute la région. Sa rareté lui donne le rang de monnaie : on peut acheter des esclaves, payer son tribut à l’empire ou faire ses courses avec des fèves de cacao importées des zones de plaines. Jusqu’au XVIe siècle, elle était convertible avec le peso mexicain.
C’est au VIe siècle avant J.C. que remontent les premières traces archéologiques du chocolat, et aussi les premières recettes peintes sur des récipients : des fèves (sans doute déjà séchées, sinon torréfiées, et réduites en poudre), de l’eau et quelques adjuvants (piment, gruau de maïs, miel, fleurs, vanille…), bien utiles pour en compenser l’amertume. Le mot chocolat viendrait d’ailleurs du nahuatl xocolatl, qui signifie eau acide.
Selon toute probabilité, cette boisson n’était pas servie au petit-déjeuner, mais réservée aux malades, aux grands personnages ou aux grandes occasions. Elle est d’ailleurs en vedette dans le Popol Vuh, la cosmogonie maya, comme symbole absolu de fécondité. Qu’elle fût préparée froide ou chaude, il s’agissait de la faire mousser abondamment en la versant d’un vase dans un autre, lors d’un cérémonial comparable à celui du thé chez les Japonais. Fiançailles et mariage se scellaient par une gorgée de xocolatl. Une boisson sacrée et aux vertus… stimulantes.
Les Aztèques, tandis que leur grandeur éclipsait celle des Mayas, poursuivirent et amplifièrent la tradition. Ainsi, lorsque Colomb mouille au large de Guanaja (tiens, tiens…) en 1502, il voit arriver une pirogue de 25 rameurs chargée de fèves offertes en tribut. Son fils Fernand raconte : « Elles contenaient beaucoup d’amandes utilisées en guise de monnaie en Nouvelle Espagne. Les indigènes semblaient en faire grand cas. Je remarquais que quelques-unes de ces amandes étant tombées dans l’eau, tous essayaient de les ramasser comme s’ils avaient perdu un œil. »
C’est aussi le premier cadeau que fit à Cortès l’empereur Moctezuma en 1519. On imagine sa tête lorsqu’il dut avaler par politesse une bouillie de fèves additionnée de gingembre et de piment, à peine adoucie par quelques gouttes de miel et versée sur du gruau de maïs ! On connaît la suite : dans un premier temps, les colons préférèrent s’intéresser à l’or que recèlait le Nouveau Monde !
Puis vint le coup de génie : les compagnons de Cortès eurent l’idée de le mélanger avec du sucre en canne, tout en le parfumant avec la cannelle et la vanille récemment découvertes par l’Occident. L’aristocratie espagnole s’enticha de cette boisson, fit planter du cacao dans toutes ses colonies, et chargea les moines dominicains de sa transformation. Pendant près de cent ans, les religieux espagnols gardèrent pour eux le secret de fabrication du précieux breuvage. Mais lorsqu’il se répandit dans toute l’Europe au début du XVIIe siècle, il devint rapidement la boisson préférée des cours d’Europe. En 1615, la France le découvre à l’occasion du mariage de Louis XIII avec une espagnole, Anne d’Autriche. Et lorsque Louis XIV en épouse une autre 45 ans plus tard, à Hendaye, le chocolat fait son entrée triomphale à Versailles.
C’est à partir du XVIIIe siècle que le chocolat se popularisa, grâce à la fabrication mécanisée et à l’extraction du beurre de cacao, qui permet de nouvelles présentations, enfin solides. Mais nous y reviendrons bientôt…

Prochaine épisode : Fabrication du chocolat


This Post Has 2 Comments

  1. Anonymous

    Bravo et merci pour ces 2 articles très complets !!

  2. Anonymous

    Merci pour de bel article avec beaucoup de details interessants.Juste au passage, histoire de causer: Si le mot chocolat vient du nahuatl, le mot cacao viendrait du maya Ka´kaw. Les mayas on eu des echanges commerciaux (de cacao surement) avec les totonaques de Teotihuacan entre le Ve et le VIIe siecle, avant que ces derniers ne disparaissent de la circulation. La plus grande partie du pouvoir politique des mayas (a part quelques exceptions) s'est dissous vers le Xe siecle, quand les populations ont quitté les grands cités pour se disseminer dans les campagnes. Les azteques, quant a eux, n'ont developpé leur empire que plus tard, au début du XIVe siecle, et ils ne se sont pratiquement pas étendus en pays maya. Ils ont eu néanmoins des echanges commerciaux avec eux. Christophe Colomb, en débarquant en 1502 au Honduras (un peu plus au sud, vers le 15e parallele nord)a probablement rencontré des commercants mayas.Francois

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